Celonis
Création | 2011 |
Siège | Munich et New York (New York, USA) |
Fondateurs | Alexander Rinke, Bastian Nominacher et Martin Klenk (CTO) |
Dirigeant | Alexander Rinke (CEO USA), Bastian Nominacher (CEO hors USA) |
Effectif | 1300 employés |
Financement | 1, 3675 milliards de dollars |
Dernière levée | 1 milliard de dollars (juin 2021) |
Investisseurs | Accel, 83North, Arena Holdings, Tooey Courtemanche, Ryan G. Smith, Durable Capital Partners, T Rowe Price Associates, Franklin Templeton et Splunk Ventures |
Parfois, de très bonnes idées s’avèrent compliquées à expliquer ou à faire ressentir. Sans parler des technologies sous-jacentes. De nombreux commentateurs ont d’ailleurs qualifié Celonis de “spécialiste de l’intelligence artificielle”… Alors, rien d’étonnant à ce que l’éditeur allemand ait mis plus de cinq ans à convaincre des investisseurs, et -heureusement pour lui- beaucoup moins pour séduire les entreprises.
La machine semble désormais bien enclenchée puisque Celonis a levé un milliard de dollars en juin dernier, totalisant près de 1,4 milliard de dollars de financement, pour une valorisation de 11 milliards de dollars.
L’éditeur allemand a ouvert sa filiale française en novembre 2020, et nommé Fadi Naffah, directeur général France, Moyen-Orient et Afrique. Un spécialiste de l’informatique qui a occupé plusieurs postes de direction chez Citrix, SAP ou Salesforce.
Aujourd’hui, Celonis compte 1300 collaborateurs répartis entre ses deux sièges de Munich et New York, et ses 15 bureaux dans le monde. 2200 entreprises lui ont déjà fait confiance pour superviser des milliers de processus et de systèmes. Et selon le cabinet Gartner, Celonis détiendrait plus de 90% de parts de marché sur le Process Mining.
Très tôt de prestigieux clients lui ont fait confiance comme Siemens, Bayer, Vodafone, Nestlé, 3M, Airbus, Danaher, L’Oréal, Lufthansa, Siemens, Uber, BPCE ou Saint-Gobain. Sans oublier des clients dans le consulting (ironie du sort…) comme les “Big Four” (Deloitte, KPMG, EY et PwC) ou encore IBM GBS.
Place de l’IT a décidé de relater la success-story en marche de cet éditeur munichois, en compagnie de Fadi Naffah, directeur général France, Moyen-Orient et Afrique chez Celonis.
Un projet de fin d‘études bien rentabilisé
Alors qu’ils sont étudiants à l’université de Munich, Alexander Rinke (Mathématiques + Polytechnique à Paris), Bastian Nominacher (Informatique) et Martin Klenk (Informatique) travaillent à un projet de fin d’études en consulting pour une télévision locale (Bayerischer Rundfunk).
Ils développent alors un logiciel afin d’analyser les processus Service Client de l’entreprise pour apporter de la visibilité à des fins d’optimisation. Plutôt que de réaliser des prestations de consulting traditionnel, ils choisissent de concevoir un logiciel captant un maximum d’information (logs et autres) dans le système d’information, dans le but de générer une cartographie des dépendances entre tous les services et applications concernés.
«L’approche traditionnelle consiste à déployer une armée de consultants pour analyser toutes les actions auprès des intéressés et dans le système d’information. Un processus long, perturbant, et surtout très onéreux. Et surtout, si vous soumettez le problème à dix analystes, vous obtiendrez autant de réponses différentes,» souligne Fadi Naffah, directeur général France, Moyen-Orient et Afrique chez Celonis. «La plateforme Celonis vient se greffer aux applications concernées sur le système d’information, remonte les informations et cartographie les processus de bout en bout. Par exemple, la solution peut cartographier un processus Order-to-Cash (j’achète, je fabrique, je stocke, je planifie, je livre, j’encaisse…) en remontant les logs du CRM, de l’ERP, de la Supply Chain, de tableurs Excel…»
Alors que le mathématicien hollandais Wil Van der Aalst, spécialiste du BPM et de la data Science (et qui sera aussi conseiller scientifique pour Celonis) publie le Process Mining Manifesto, les trois étudiants en fin de cycle, dont le premier projet a été une réussite, décident de créer Celonis en 2011 avec un apport de 12 500 euros (le minimum pour créer une entreprise en Allemagne). Belle rentabilité sur 10 ans! Ils se sont intéressés très vite au Process Mining qui, avant le Manifesto, relevait essentiellement de la recherche en mathématiques.
Une évangélisation délicate, y compris pour lever des fonds
Les cofondateurs envoient de multiples courriers ou rendent visite à des investisseurs et s’échinent à convaincre de grandes entreprises, en vain.
«Finalement, ils font une démonstration de leur solution à Siemens. Ils baptisent la solution X-Ray [radiographie] pour sa capacité à générer une photo d’un processus de bout en bout en quelques minutes, illustrant ainsi ses faiblesses, ses goulots d’étranglement, et l’origine des problèmes constatés. Ils signent alors leur premier gros contrat,» raconte Fadi Naffah.
Dès lors leur entreprise sera toujours rentable, et les clients (européens) se multiplient grosses PME, ETI et grands groupes comme Bayer Pharmaceuticals ou Vodafone. En 2013, l’éditeur annonce Celonis 3.0. Et, en 2015, SAP signe un partenariat pour faire de Celonis sa solution de Process Mining: SAP Process Mining by Celonis. Une première, qui prendra fin avec le rachat de Signavio début 2021.
L’intérêt des investisseurs est de plus en plus attisé par cette jeune entreprise à très forte croissance qui a dépassé les 200 clients (sur 15 secteurs économiques) dans 25 pays. Fin juillet 2016, juste après la sortie de Celonis 4, les fonds californien Accel et britannique 83North (ex Greylock IL) boucle un tour de table de 27,5 millions de dollars (série A) pour financer l’expansion internationale de Celonis. En septembre 2016, Alexander Rinke installe le second siège social de Celonis à New York et devient CEO pour les Etats-Unis, tandis que Bastian Nominacher dirige l’Europe et l’Asie. Le marché américain s’avère fertile pour l’éditeur allemand qui signe avec des entreprises comme Merck, Lockheed Martin, ExxonMobil ou Uber. Et il représente très vite 50 % du chiffre affaires de Celonis.
En juin 2018, les deux investisseurs remettent le couvert en apportant 50 millions de dollars supplémentaires (série B), valorisant Celonis à 1 milliard de dollars: une nouvelle licorne allemande.
La licorne passe au cloud et devient décacorne
En octobre 2018, la plateforme SaaS Celonis Intelligent Business Cloud est lancée, avec une connectivité intégrée vers tout système d’information et la création de logs d’événements, l’analyse évoluée des processus et des moteurs de Machine Learning et d’intelligence artificielle. Une forte automatisation, sans nécessité de maintenance par les utilisateurs.
En avril 2019, Celonis réalise sa première acquisition avec la petite société belge Banyas, spécialisée dans la connexion en temps réel aux bases de données et aux systèmes SAP (multiples versions). En novembre, un tour de table de série C est bouclé à hauteur de 290 millions de dollars auprès de Arena Holdings, Tooey Courtemanche, Ryan G. Smith, Accel et 83North. Celonis est alors valorisée à 2,5 milliards de dollars.
En octobre 2020, l’éditeur rachète la startup tchèque Integromat et sa plateforme d’intégration cloud (iPaaS) pour environ 100 millions de dollars, afin de favoriser le déclenchement automatisé d’actions selon les recommandations de la plateforme Celonis. L’éditeur annonce aussi la première plateforme d’Execution Management System, Celonis EMS. Reposant sur la plateforme de Process Mining de l’éditeur, cet EMS propose plusieurs outils pour gérer tous les aspects de la gestion de l’exécution de l’analyse jusqu’à la stratégie et au planning, avec action et automatisation.
La plateforme est réorganisée: Celonis Execution Instruments (ex Process Mining Analytics Applications) avec plus de 170 les outils pour mesurer la capacité d’exécution et de détecter les lacunes; Celonis Execution Applications (ex Operational Applications) combine Celonis Opportunity Management, Celonis Accounts Payable et Celonis Accounts Receivable pour mesurer les capacités d’exécution en temps réel, déterminer les faiblesses à plus fort impact sur l’activité, et proposer les meilleures actions pour y remédier (avec automatisations et alertes); et Celonis Studio, le nouveau studio de développement destiné aux clients ou partenaires pour créer des applications et des Execution Instruments.
Le 2 juin 2021, Celonis lève 1 milliard de dollars, portant sa valorisation à 11,1 milliards de dollars passant ainsi au statut de décacorne (licorne de plus de 10 milliards de dollars), auprès de Durable Capital Partners, T Rowe Price Associates, Franklin Templeton, Splunk Ventures et autres investisseurs existants comme Arena Holdings.
Qu’apporte L’EMS? Quoi de plus que le BPM ou la RPA?
Au départ, la solution X-Ray a permis de savoir ce qui se passait sur les processus. On prenait donc une photographie (radiographie) du processus, et cela permettait d’expliquer les phénomènes et de savoir où intervenir. Ce qui, en un temps très court, était déjà une révolution.
Puis, la solution a évolué vers une plateforme complète d’Execution Mangement System (système de gestion de l’exécution -des opérations).
Puisqu’il s’agit de gestion des processus, quelles sont les différences entre BPM (Business Process Management ou gestion des processus métier), RPA (Robotic Process Automation ou automatisation des processus par la robotique) et EMS?
«Avec le BPM, on part généralement d’une feuille blanche pour dessiner un processus (nouveau et existant). Les solutions de RPA partent d’un processus existant pour l’automatiser. Mais si ce processus contient des problèmes pas forcément visibles ou détectables à première vue, il ne fait que les automatiser,» résume Fadi Naffah. «L’EMS manie les informations et les processus. Il se décompose en trois phases. Les informations collectées et corrélées permettent de mesurer les processus dans le détail (Measure); la cartographie permet de voir et comprendre ce qui se passe (Know); et les recommandations permettent d’agir manuellement ou automatiquement (Act). A noter: nos clients bénéficient aussi des meilleures pratiques sectorielles puisque nos algorithmes accumulent ce qu’ils ont appris de tous les processus supervisés chez nos clients (de façon anonyme, bien entendu).»
Toujours plus de cloud … pour 1 milliard de dollars de CA en 2025
Comme évoqué dans l’historique ci-dessus, la solution a été portée sur le cloud en 2018. Plus précisément, la pile logicielle a été redéveloppée pour le cloud en mode SaaS.
Et la transformation du parc existant vers le cloud est plutôt une réussite, selon le dirigeant de Celonis France-Moyen-Orient-Afrique: «Aujourd’hui, plus de 80 % des clients sont dans le cloud (un seul est encore sur site en France). La solution est déployée chez AWS et Azure dans les régions correspondant aux besoins des entreprises (pays , réglementations, etc. ) En avril dernier, nous avons également noué un partenariat avec IBM et Red Hat pour porter Celonis sur IBM Cloud dès cette année. Et IBM a déjà formé des centaines de consultants de sa filiale Global Business Services (GBS)sur Celonis, tout comme Deloitte, KPMG ou EY.»
L’éditeur travaille également à une offre “Self Managed Cloud”, consistant à déployer une instance cloud de son Execution Management System chez le client, managée et supervisée par le client.
«Aujourd’hui, Celonis France compte 30 collaborateurs, et nous serons 60 en 2022.,» annonce Fadi Naffah. «La filiale France doublera ses revenus pendant 5 ans pour créer un écosystème qui génèrera 15 000 emplois dans l’Hexagone. Notre stratégie consiste aussi à ouvrir notre plateforme à nos partenaires via le Studio de développement. Objectif au niveau mondial: un milliard de dollars de chiffre d’affaires en 2025.»
Une société qui amène une révolution bien plus profonde qu’il n’y parait. A ne pas quitter des yeux…
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